Introduction : Avec environ 9 000 décès par suicide par an, la France présente un des taux les plus élevés d'Europe. Le milieu agricole figure parmi les populations professionnelles les plus à risque. La dépression est l’un des meilleurs prédicteurs du risque de suicide. La Mutualité Sociale Agricole (MSA) dispose de données longitudinales, administratives et de remboursement de soins sur l’intégralité de la population agricole française. Ces données permettent l’analyse de manière quasi-automatique et en temps réel de l’épidémiologie de la dépression et des facteurs associés chez ses cotisants. L’objectif de l’étude « STOP » (Suicides chez les Travailleurs agricoles : Observer et comprendre les facteurs de risques pour agir en Prévention) était de croiser l’ensemble des données (2002-2016) des bases cotisants MSA avec les bases de données médico-administratives (2012-2016) des affections longues durées (ALD), maladies professionnelles (MP) et dépenses de soins de santé afin de mettre en évidence des associations statistiques dénotant d’un risque accru de dépression associé à certaines activités agricoles. Méthodes : Les dépressions traitées ont été identifiées selon l’ALD et/ou le nombre de dispensations d’antidépresseurs (1 et > 12) par 13 algorithmes différents. Pour chaque algorithme, des modèles de Cox ont été utilisés pour générer/identifier des associations statistiques entre activités agricoles et dépression chez les non-salariés agricoles (NSA) et les salariés agricoles (SA). Un ratio de danger (HR) qui fait le consensus des 13 algorithmes a ensuite été calculé pour interpréter les résultats. Toutes les analyses ont été ajustées sur l’âge, l’année d’installation, le nombre de comorbidités et stratifiées par sexe. Des analyses de sensibilité ont également été réalisées. Résultats : Des disparités en fonction du sexe et des activités ont été observées concernant les risques de dépression. Un total de 1 088 561 NSA ont été inclus dans nos analyses, parmi lesquels 7,8% (n=84 507) ont été traités pour dépression (au moins une dispensation d’antidépresseur ou une déclaration en ALD). Selon le HR consensuel, parmi 26 activités professionnelles, des risques accrus de dépression (20 à 30%) ont été observés dans les élevages bovins-viande, bovins-lait, et volailles, lapins. Chez les SA, 3 128 120 salariés (saisonniers exclus) ont été inclus dans les analyses, parmi lesquels 4,1% (n=129 507) ont été traités pour dépression. Parmi 22 activités, des sur-risques de dépression de 30% à 60% ont été observés dans les cultures et élevage non spécialisés, l’élevage spécialisé de gros animaux, de petits animaux, les cultures spécialisées, et les entreprises de travaux agricoles. Conclusion : Les résultats de ce projet pourront être directement utilisables par la MSA (caisse centrale et professionnels de terrain), afin de contribuer à définir les populations d’agriculteurs les plus à risques, y compris avec une précision territoriale, pour prioriser les mesures et actions de prévention. Les situations mises en évidence ont vocation à être interprétées collectivement, et peuvent appeler à la mise en place d’études ciblées pour ajuster les mesures de prévention. Un support de communication à destination de chacune des 35 caisses locales a été réalisé. Ces fiches renseignent les éléments issus des données nationales, mais aussi les données propres à chaque caisse locale concernant les risques de dépression pour chacune des activités chez les NSA et SA (par sexe), afin que chaque caisse puisse s’en saisir au mieux pour adapter leur politique de prévention. Ce projet a été auditionné par la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture et les personnes en charge du programme interministériel de lutte contre le mal être agricole. STOP fait partie du projet TRACTOR (tracking and monitoring occupational risks in agriculture) qui permet une vigilance de tout type de pathologie identifiable via ALD/MP ou dispensations de médicaments remboursés (Petit et coll. 2022, Ann Work Expo Health, doi : 10.1093/annweh/wxab083; Petit et coll. 2023, Int J Cancer, doi : 10.1002/ijc.34197). Remerciements : STOP est un projet soutenu et financé par la MSA et MIAI@Grenoble Alpes.